1 – Préambule
MARRAKECH, Samedi 3 Octobre 2014. Il fait 32°C et je suis bien calé dans le transat près de la piscine de l’hôtel ou je profite des dernières heures du soleil marocain et me remémore mon périple au cœur du Haut ATLAS. L’Ultra Trail Atlas Toubkal était mon objectif de l’année et je l’avais préparé du mieux possible car je savais qu’il s’agissait d’un ultra très difficile et cela s’est bien confirmé.
Arrivé le mardi après midi à OUKAIMENDEN, petit village perché à 2600m d’altitude, je prends mes repères dans cette petite station de ski du haut ATLAS. Je fais connaissance avec Patrick et Alexandre, 2 sympathiques trailers et colocataires de tente pour 4 jours, venant de Berck sur Mer, qui eux vont participer au challenge de l’Atlas (42km + 24km en 2 jours).
Le retrait du dossard et la vérification du matériel obligatoire sont effectués le mardi. Mercredi matin, j’ai besoin de me dégourdir les jambes et le petit footing de 30min me fait ressentir que nous sommes bien en altitude. Je termine ma petite sortie en m’offrant une superbe vue sur le Jbel Toubkal (4167m) dont le sommet est enneigé. Le départ est fixé à 6H le Jeudi. Il y a eu beaucoup de vent la nuit et j’ai même cru que la tente allait s’envoler, inutile de dire que je n’ai pas très bien dormi.
2 – Ma course
Jeudi 2 octobre 2014 à 6H ! Le départ est donné et me voila parti pour 105km et 6500D+ ! Nous sommes environ 130 partants sur le 105km et nous partons en même temps que les trailers du 42km (marathon de l’Altlas). Je pars doucement sur cette large piste qui va monter tranquillement pendant 11km pour nous amener à 3100m d’altitude où le vent souffle encore assez fort. J’ai bien géré cette partie en alternant marche et course. Le jour se lève rapidement et une belle journée se profile. Après le 11ième km, la piste commence à descendre en lacets. J’effectue la descente à un rythme régulier en ne prenant aucun risque et profitant du paysage. Nous arrivons alors au dessus d’un premier village puis nous quittons la piste pour prendre un sentier. Nous traversons ce village en empruntant de petites ruelles où les habitants, en particuliers des enfants, nous saluaient et nous encourageaient.
Le sentier continue et nous quittons le village pour accéder rapidement à un second village. Au km 19 (PC2), les concurrents du marathon de l’Atlas bifurquent sur la droite alors que nous continuons sur la gauche. Nous reprenons ensuite une piste roulante sur laquelle je m’économise et je progresse avec deux autres trailers pendant une bonne dizaine de km.
En arrivant au premier ravito (PC3, km 30), je ne m’attarde que quelques minutes pour faire le plein de boissons et pour manger un peu. Je repars seul et commence à descendre par la piste qui nous amène jusqu’à la première véritable ascension : 32 km en 4 heures pour cette première partie de course plutôt facile mais je sais qu’à partir de maintenant, les difficultés vont s’enchainer et la moyenne va rapidement chutée. Fini les pistes, je traverse un oued (cours d’eau) puis place au sentier monotrace qui s’élève rapidement. Je croise alors plusieurs troupeaux de chèvres et des muletiers que je laisse passer en m’écartant du sentier.
Ce n’est qu’au 35e km que je commence à utiliser mes bâtons en raison de la pente qui commence à s’accentuer. Je progresse régulièrement et commence à doubler quelques concurrents qui sont déjà dans la difficulté, je pense à bien m’hydrater et me félicite d’avoir pris 2 petites bouteilles d’eau de 25 cl en plus de mes 2 bidons (soit 2 litres au total).
Au PC4, situé au km 49, je prends 5 min pour me ravitailler et discuter avec les bénévoles qui m’indiquent ma position : 29ième, agréable surprise ! C’est encourageant pour la suite : 3km d’ascension pour
environ 700m de dénivelé positif ! La pente est assez raide au début et je progresse lentement mais régulièrement. Le PC5 se situe au sommet à 3000 m d’altitude, c’est la mi-course et je commence à ressentir des douleurs au niveau des cuisses … s’en suit une belle descente technique comme je les aime. Tout en étant vigilant, je profite du super terrain de jeu qui s’offre à moi, je n’ai plus mal aux cuisses et réussit à gagner quelques places. Une fois la descente terminée, je sais que cela va commencer à remonter légèrement avant d’atteindre le PC6.
Il commence à faire chaud. Le sentier serpente maintenant en fond de vallée puis débouche sur le lit d’un torrent ; le dépaysement est total, les paysages sont magnifiques. Il m’est nécessaire de remplir un bidon avec l’eau du torrent et j’en profite également pour me rafraichir. Je continue ma progression et j’arrive enfin au PC6 (km68) ! L’envie de manger du salé se fait sentir !
Le ravito est situé dans une toute petite baraque ouverte et la première chose qui me surprend est la présence de pomme de terre ! Cela ne me dit rien mais je vais apprécier de manger de la très bonne charcuterie de dinde fumée et du fromage plutôt sec. Je prends le temps de m’assoir pour manger puis je prends des abricots secs et du chocolat noir. Le plein des bidons est fait et je suis prêt à repartir au bout de 10 minutes à peine alors que certains, déjà présents au ravito avant mon arrivée, sont encore là à déguster leur soupe ! Ce n’est pas encore l’heure du diner, je me dis qu’il y a encore de la route et je repars en grignotant du chocolat.
Le petit sentier sur lequel nous nous engageons et qui monte doucement me permet d’alterner marche et course. Cela ne va pas durer longtemps car ça commence à monter et comme nous arrivons en fond de vallée, je sais que cela va monter sèchement. Je regarde derrière moi et constate que j’ai crée un petit écart avec mes poursuivants. Devant moi, j’aperçois au loin un trailer avec un tee shirt orange et je me demande si j’arriverai à le rattraper. Dans cette ascension, j’en profite pour faire une pause pour remettre une seconde couche car il commence à faire frais. Assis sur un rocher, Je grignote un peu de chocolat noir et profite du paysage puis repart. La fin de l’ascension est un peu difficile mais je gère mon allure et arrive au sommet (PC7) ou les cuisses commencent à me faire souffrir. Heureusement, une descente bienveillante arrive à point et comme par magie je galope dans celle ci ou je vais rapidement rattraper et dépasser un concurrent juste avant le PC8 qui n’était distant que de 2,5km du PC7.
Au PC8, le bénévole m’annonce « super, vous êtes 20ième et le précédent n’est qu’à 4 minutes ». Je n’en reviens pas, c’est vrai que j’ai dépassé quelques concurrents mais j’ai été plutôt rapide au ravito du PC6 ou il y avait bien 3 ou 4 personnes quand je suis arrivé. La descente continue sur 500m et je me dis que si je termine à cette place, je serai très satisfait. Je ne cogite pas trop car la grosse difficulté arrive ! 800m de D+ pour arriver au sommet du Tizi n’Tarharate à 3660m ! J’essaye de ne pas trop calculer mais j’aimerai pouvoir attaquer de jour l’autre grosse difficulté, la fameuse descente qui suit juste après le sommet. Revenons à cette ascension du Tizi n’Tarharate ou j’aperçois de nouveau le trailer avec le tee shirt orange (il se prénomme Thierry) sur lequel je reviens progressivement. Bientôt, Il s’arrête puis je le dépasse en échangeant quelques mots. Je continue devant lui mais sans trop le distancer. Arrive le PC9 ou je m’arrête pour souffler. J’échange quelques mots avec les bénévoles qui me disent que ça va encore grimper. Eh oui, je le constate en regardant l’altimètre, il y a encore pas loin de 250m D+ ! Cette dernière partie me parait interminable et j’ai du mal à respirer. C’est une bien désagréable sensation et je dois me poser sur un rocher et manger mes derniers morceaux de chocolat noir ! Il commence à faire froid et je ne pense même pas à enfiler mon coupe vent ! ERREUR ! Thierry me double et je repars peu après lui avant de le rattraper assez rapidement puis faire un petit bout de chemin ensemble et le distancer dans la toute dernière partie de l’ascension. OUF, j’arrive enfin au sommet et je me remets à courir sur une partie en légère descente. Je ne suis pas au mieux et m’écarte du sentier que je rejoins 500m avant d’apercevoir le PC10.
En arrivant à ce PC10, j’averti que je ne me sens pas bien et on m’invite à rentrer sous la tente. Thierry en fait de même. Je m’allonge un peu et on m’apporte du thé. En fait, en quelques minutes, je me suis fait surprendre par le froid. J’en profite pour enfiler mon coupe vent et mon sur pantalon. Avec Thierry, nous ressortons ensemble de la tente et à la tombée de la nuit, nous attaquons cette fameuse descente qui va nous mener à Imlil. Au menu, plus de 8 km et 2000m de négatif. Le début de la descente est très pentu et les appuis sur les pierres qui roulent occasionnent de beaux dérapages. La nuit tombe très vite et j’allume la frontale qui va s’avérer être cruciale tant son éclairage est puissant. A ce moment, je remercie intérieurement Max du prêt de sa frontale qui lui a bien servi lors de son récent UTMB. Alors que nous avions froid il y a à peine 15min, je dois m’arrêter pour enlever le sur pantalon. Même si la pente devient moins raide, la vigilance est de rigueur car par endroit je trouve cela parfois dangereux. Au milieu de la descente se trouve un PC, le 11 et on nous indique encore 4km de descente puis 2km de quasi plat. Nous ne prenons pas de risque dans cette fin de descente qui nous parait interminable et lorsque nous en avons quasiment terminé, je dérape des deux pieds et tombe violement sur le coude. Je me relève en grimaçant et nous continuons dans une légère descente. Nous trouvons le temps assez long avant d’arriver à Imlil ou nous finissons par arriver au beau milieu des ruelles bordées de restaurants aux odeurs très attirantes. Nous continuons notre route en traversant la ville et finalement ce sont trois jeunes filles qui nous indiquent l’emplacement du ravito ! OUF, nous y voilà car avec Thierry, nous ressentons le besoin de faire une pause.
Imlil, surnommé le « Chamonix Marocain », PC12, nous sommes pointé à la 19ième place et 20ième place : Un ravitaillement très bien organisé. Dès le début, je récupère mon sac que j’avais laissé la veille du départ. On rentre à l’intérieur d’un petit restaurant ou tout est préparé pour nous accueillir au mieux. Nous allons y passer 25min pour manger (soupe+ pates +Thé) et j’en profite pour changer de chaussettes, de Tee shirt et envoyer un sms à Fabienne qui n’avait pas de nouvelles sur mon suivi de course. Et c’est reparti car ce n’est pas fini, il nous reste pas loin de 20km et plus de 1500D+. Nous quittons Imlil, il est plus de 22H et dans ma tête, je me dis qu’il nous reste bien 4H30 pour rallier l’arrivée. 2km de légère descente nous amène à Taddert et une première ascension nous attend. Il fait relativement doux et avec Thierry, nous avons tombé les vestes. Je me sens bien et je sais que nous allons terminer ensemble, c’est rassurant.
Devant nous, plus en hauteur, nous voyons les frontales qui dessinent le chemin qui nous reste à faire. Même si nous avons perdu une place lors du ravito d’Imlil, nous ne nous affalons pas et continuions notre progression dans un rythme régulier. S’en suit une petite descente qui nous conduit au village d’Amssakrou. Nous avons déjà commencé à remonter au milieu des marches de ruelles pavés lorsque nous arrivons au PC13 ou nous faisons une petite pause. Il reste encore 9-10km et nous entamons la dernière ascension (1000D+). Celle-ci se compose de 2 parties avec un léger replat au milieu ou se situe le PC14. Mini pause et on nous annonce encore 600D+. La pente est maintenant bien plus raide et le rythme est plus lent. Derrière nous, une frontale se rapproche rapidement et un concurrent fini par nous rejoindre. J’attends Thierry que j’ai distancé de quelques mètres et voilà qu’il nous dépasse. Nous le suivons mais rapidement je m’aperçois qu’il n’est pas au mieux et il doit s’arrêter peu après. Avec Thierry, nous terminons tous les 2 cette ultime ascension en le distançant légèrement et arrivons au sommet final ou flottent 2 drapeaux marocains. C’est la dernière descente qui nous mène à l’arrivée que nous finissons par apercevoir. Un bref coup d’œil en arrière pour vérifier qu’il n’y a personne derrière et nous finissons en trottinant sur la route et passons l’arrivée à 2H30 du matin, main dans la main avec une grande satisfaction. Il m’aura fallu 20H30 de course dont plus de 7H passé en la sympathique compagnie de Thierry, pour parvenir à boucler cet ultra.
3 – En conclusion
L’UTAT fut pour moi une riche expérience dans un pays que je ne connaissais pas et ce fut pour moi l’occasion de découvrir des gens qui vivent avec quasiment rien et qui n’ont pas l’air malheureux pour autant, et aussi de somptueux paysages que je n’ai hélas pas assez pris le temps de contempler.
En repensant à ma course, je dois avouer que tout s’est bien passé et c’est pour cela que j’ai mis moins de temps que je pensais (prévision de 22H mémé si je pensais m’approcher des 20H auquel cas tout se passerai bien). Mais si j’ai réussi dans ce périple, c’est aussi grâce à l’entrainement que j’ai réalisé. Je repense notamment à ces séances de cote derrière chez moi ou je m’avalais 1000D+, aux trails de préparation (UTTJ, TGC) et à toutes les autres séances auxquelles je pensais « Tu vas faire l’UTAT gars, tu vas en chier ».
Je tiens tout particulièrement à remercier Fabienne, ma compagne, qui m’a permis de me préparer au mieux pour cet ultra, Daniel mon beau père pour la navette aéroport, et aussi Thierry, mon « équipier » avec qui j’ai partagé une partie de cette épreuve sportive inoubliable. Merci aux organisateurs de cet évènement ainsi qu’à la communauté Marocaine D’OUKAIMENDEN qui a œuvré pour que tout se passe bien. J’ai aussi rencontré aussi de très sympathiques bénévoles dont Christine, dès la descente de l’avion en arrivant à MARRAKECH, Delphine et son mari de Besançon, lequel s’est quand même taper plus de 10 heures de marche pour rallier le PC4 ! C’est grâce à des personnes comme cela qu’il est possible d’organiser des trails et je sais de quoi je parle puisque je suis moi-même membre de l’équipe de l’organisation du Trail de la Côte des Bar qui se déroulera le 17 Mai 2015.
Pour finir, cela n’a vraiment pas été facile de prendre la décision de partir faire ce trail au vu de l’odieux assassinat de notre compatriote Français Hervé GOURDEL en Algérie. Des personnes qui me sont chères m’ont demandé si j’allais quand même y aller et j’ai beaucoup pensé à elles ainsi qu’à Fabienne, mes 2 enfants et bien sûr à la famille. Je ne regrette pas d’avoir été en terre Marocaine ou je n’ai jamais vu aucun signe d’agressivité mais j’avoue que j’étais très content de revoir les miens.
Pascal CHAMBROY (BARTRAILER)